- Et d'un ... et de deux ... et de trois ...Si découper un peau verte de haut en bas avec une grande hache était donné au premier venu, l'exercice avec une arme à une main demandait un certain doigté.- Et de quatre ...Le casque, l'os frontal, le pariétal et le maxillaire, en début de course, cédaient facilement. Les dents et la mâchoire inférieure ne posaient pas de problème.- Et de cinq !! Tu en es à combien ?- Seulement trois, j'ai buté sur une boucle de ceinture, la honte.- Hin hin !! Et six pour moi !!!La difficulté se posait à l'approche des vertèbres. A deux mains, on broyait tout un squelette sans difficulté, mais à une main, la colonne vertébrale faisait souvent ripper le poignet et on se retrouvait ridicule avec un quart d'orque découpé juste sous le bras. On devenait la risée de tous les habitués de la taverne. Non, vraiment, autant utiliser une dague si c'était pour faire ça.- Et de sept ... et de huit ...- Rhaaa, il était pour moi celui là !! Laisse m'en un peu.Morhin Fendenclume avait mis au point une technique infaillible pour pouvoir enchainer la manœuvre sans trop de peine.- Et de neuf...Le but était de donner un léger angle à la hache lors de la frappe afin de passer à fleur de la colonne vertébrale dans le dos tout en découpant, côté poitrine, le sternum dont le cartilage est bien plus tendre que les côtes. C'était le moment le plus difficile. Ensuite suivaient les viscères et tout un tas de choses molles et puantes. Pour finir par un coup sec de tout le buste vers l'avant pour aider le bras à fendre le bassin en fin de course.- Pfiou !! Fini pour moi : vingt moitiés d'orcs !!- Arf. Seulement sept découpés. Mais tu m'en dois un.Morhin bourra sa pipe de tabac et l'alluma.- Mmmh, ça va, je t'accorde un demi point. Sept et demi à neuf et demi, je gagne encore ! Ah tiens, il fumait la pipe celui là ?Le nain se pencha, ramassa la sacoche d'un gobelin éparpillé et l'examina.- Hoo, mais il avait une belle réserve d'herbe sur lui. Trésor de guerre, je garde.- Trinquons à cette bande de peaux verte qui nous a permis de faire un beau combat. Et à Nabud qui s'est bien défendu.Tous les clients de la taverne levèrent leur choppe, offerte par Nabud en gage de sa défaite.Morhin savoura sa victoire. Il méritait bien son titre de Grand Découpeur d'Affreux. Personne n'avait pu le lui enlever depuis qu'il avait battu Gunnar LeHachoir, il y avait de ça trente deux ans.En cherchant sa blague à tabac, il retrouva la bourse en cuir du shaman. Il prépara sa bouffante avec ce mélange exotique et s'emplit les poumons de fumée. Le repos du guerrier.Il ferma les yeux pour savourer le goût un peu piquant et poivré. Pas désagréable. Un peu trop vert, tout de même.Une main sur son épaule, il se retourna et ...Corne d'Auroch !! La salle était remplie de salamandres énormes. Et elles le regardaient. En voilà une qui lui tendait une bière.Pas de ça ici !! Il attrapa sa hache. Et de une ... et de deux ... et de trois ...... et de douze, la dernière !!Il glissa dans une mare de sang, son crane heurta une table. Le noir.Il volait. Traversait des nuages mauves, croisa un vol de skavens en robe de bal. Au sol, sur une pelouse étonnement bleu turquoise, une armé du chaos en bermuda et chemise à fleurs pique-niquait, un orchestre composé de reptiles jouait pour un groupe d'orcs noirs qui enchainaient des entre-chats. Il se dirigea vers une mer orangée et y plongea.- Amenez un deuxième seau d'eau pour le réveiller.Morhin ouvrit les yeux, se redressa. Du sang. Du sang partout. A ses cotés, Nabud en deux moitiés égales gisait par terre. Le patron de l'auberge et les clients, en morceaux, étaient éparpillés un peu partout. Parfaitement découpés dans le sens de la hauteur. Il n'y avait pas deux personnes capables de faire un tel carnage.- Il revient à lui, attrapez le !Debout.Fuir.Foncer jusqu'à la porte.Il faisait encore nuit, courir, courir, courir.Sortir de la ville.Vers la montagne, courir, courir, courir.Jeter son casque, trop lourd.Abandonner son bouclier, sa hache, son plastron, courir, courir, courir.Ses jambières et ses bottes, courir, courir, courir.Un ravin, une rivière au fond.Sauter.Voler.Et mourir.Il ne mourut pas.Il le regretta longtemps.10 ans.Il ne voulait plus toucher une arme. Il ne voulait plus tuer. 10 années à survire en se nourrissant de plantes, de baies et de racines. Et à fumer cette herbe qui le faisait voir des choses incroyables, coupait la faim et était le seul moyen de trouver le sommeil. Une fois, il avait pu capturer un gobelin et lui avait arraché le secret de cette drogue. Un mixture à base d'écorces, de champignons et de feuilles.Et puis un jour, il réussi à mettre des mots sur ce que ses voyages hallucinés lui suggéraient. Il avait enfin trouvé sa repentance. La marche à suivre pour retrouver une place dans le monde civilisé.Amour et paix.Le restant de sa vie serait consacré à soigner et aider son prochain. Et combattre pour l'avènement d'une ère d'amour et de paix.Il lui fallait changer de nom pour effacer définitivement son passé.Morhin Fendenclume était mort, enfin. Ulf Ormvard venait de naitre.Il vérifia sa réserve d'herbe à fumer et se dirigea vers le campement de soldats qu'il avait repéré à quatre jours de marche de là.Si Ulff était un puissant guerrier, les années de privation ont provoqué des carences irrémédiables dans son organismes.Sans entrainement physique ni martial, il a perdu tout ce qui faisait de lui un nain redouté et respecté. Sa toxicomanie n'arrange pas sa santé.Seule sa science du combat et sa discipline sont intacts.Même si sa devise est désormais « Amour et paix », son sang nain, l'ivresse du combat, et les effets de la drogue lui font souvent perdre ses bonnes résolutions sur le champs de bataille. Et son leitmotiv pacifiste se transforme rapidement en « Amour du sang et paix à ton âme ».Mais sa promesse de ne plus jamais utiliser une arme, et surtout une hache, et de vouer sa vie à soigner autrui reste ferme.