RECIT DE LA CREATION DE LA GUILDE PAR SYBELE
Il se cala dans un recoin, s’assit dans une semi pénombre et sous sa vielle capeline usée jusqu’à la trame fixait l’autre côté de la place du quartier Est de Freeport.
Il les avaient suivis au hasard, les une ou les autres, se doutant bien que ces petites réunions tramaient autre chose que les simples banalités d’usage un peu trop souvent et trop fort évoquées.
Ils étaient une dizaine, une réunion de ce que comptait la ville comme vermine se parant sous de quelconques atours ou au contraire sous de voyant et clinquant vestements.
A tel nombre dans le petit bureau il n’en distinguait plus le greffier qui avait du se tasser derrière son bureau. un fin sourire laissa entrevoir une dentition gatée parsemée de trou sombre, il entrapercut le seul garde, un Ogre de bon gabarit, grand même pour sa race, qui se dandinait d’un pied sur l’autre. Sans doute hésitait-il à intervenir, contre une ou deux canailles il aurait rugit et effrayé les zouaves mais là, la situation était différente, il y avait quelques magiciens dont on devinait une puissance naissante sans doute, mais suffisante pour occasionner quelques dégats irréversibles sur une peau dure d’Ogre et puis le Troll et l’Iksar et le Barbare qui lui faisaient face n’avaient guère l’air plus affable que les femmes en robe de mage.
Tout ce petit monde menait grand bruit et ne semblait guère se soucier de déranger qui que ce soit alentours. Deux ou trois personnes tentèrent bien d’entrer, avec moultes excuses ou en force et en jurons mais ils furent gentiment mais fermement mis à la porte et ne réitèrèrent pas la tentative.
Pourvu qu’ils ne referment pas la porte … s’était il murmuré pour lui-même. Mais cela n’avait pas été le cas et l’huis avait oscillée mollement sur ses gonds grincant au rythme de la brise naissante du soir sans jamais se fermer.
Le ton avait quelque peu monté par moment, une Elfe noire, une de ces satanées bourriques vicieuse et perfide semblait s’en être pris au Troll ou a l’Iksar, ou au deux il ne su pas vraiment. Mais ce dont il était sur c’etait que l’un comme l’autre devait bien faire au moins deux fois la taille de l’Elfe et pourtant il aurait juré avoir vu le Troll reculer d’un pas.
Il y eu quelques fracas et la voix sifflante de l’Iksar retentit, essayant semblait il de faire gagner un peu de silence à cette assemblée hétérogène. Il monta debout sur le bureau du greffier, écrasant au passage quelques fioles d’encres et laissant dans le bois pourtant vieux de longues traces de griffures de ses griffes, les autres semblèrent s’assagir un peu. Un peu seulement. Et firent cercle autour de lui.
Ainsi il ne s’était pas trompé. Un nouveau groupuscule d’infâmes allait voir le jour. Une nouvelle union des races et des moeurs allait se mettre en place pour unir leur force dans la destruction. Troll, Barbare, Iksar, Elfe Noir, Erudit, demi-Elfe et même une Ratonga … Une vraie ménagerie de fous dangereux qui juraient alliance entre eux prenant le greffier a témoin pour, cela semblait logique, être reconnu par les instances mises en place par D’Lere.
Le vieux ratonga en avait assez vu, il lui fallait maintenant s’éclipser pour répercuter cela à son Maître, pourtant il lui semblait qu’il lui manquait encore quelque chose, et que s’il revenait sans …
Un long frisson parcouru son echine, il se peletonna dans sa cape et s’avanca prudemment pour essayer de capter quelques bribes de conversation. La main en avant tenant une obole cabossée il vint s’adosser contre le mur du marchand voisin, hêla un ou deux passant sans conviction puis tendit encore l’oreille
… <le Chaos nous a vu naitre, nous sommes ses oeuvres et nous poursuivront Son oeuvre ! Nous en seront les Artisans mes Compagnons> … un vague grondement, mélange de bruit de pieds trépignant et de murmures approbateurs masqua la suite de la phrase à son oreille … <ainsi en est-il décidé ! nous seront les Artisans du Chaos !>
un remue ménage se fit suivit d’un vague couinement. Le ratonga se risqua a pencher la tête de côté pour entrevoir la scène. L’Iksar avait saisit le greffier par l’épaule et le soulevait a present en lui crachant à la figure
<Alors face d’humain ? tu as noté ? … As-tu écris et pris acte de cela ? >
L’Iksar lui enfourna une bourse de cuir dans la bouche et le relacha sans ménagement. Le greffier tomba comme un vieux sac sur sa chaise qui craqua sous le choc
<Tu as noté ! tu as ton argent ! Maintenant fait le travail pour le quel tu es grassement payé et affiche le nom des Artisans du Chaos dans tes registres et préviens la garde de ce que et de qui nous sommes ainsi n’y aura-t-il pas de surprise >
Un grand rire secoua la petite pièce et l’assemblée commenca à s’éparpiller à l’extérieur du bureau, joyeux comme une bande de Gnoll en goguette. Le vieux ratonga se tassa tant qu’il se pu. Il n’avait pas prévu d’être ainsi à découvert ni qu’ils sortiraient si vite. Il fit mollement tinter son obole et risqua dans un demi murmure un à une pièce pour un vieux rat d’égout siouplait ?.
Il retint sa respiration quant une des Elfe Noir jeta un regard dans sa direction, un coup d’?il rapide sans plus mais qui le fit se tasser sur lui-même. Des yeux gris jaune percant et brillant d’une cruauté peu commune même pour une Elfe sombre dont il en avait bien souvent cotoyé.
La compagnie s’éparpilla enfin laissant l’Iksar et l’Efle a discuter sur le parvis de la place. Gortack était le nom de l’Iksar, le chef sans nul doute, Sybèle celui de la femme Elfe Sombre.
Il avait noté rapidement et mentalement quelques autres noms et se les passa en revue tout en fermant les yeux et en espérant que ces deux là partiraient vite. Syriel une Demi Elfe, Mieuvaumor le Barbare, Pelisse une Erudit au vu de son visage et de ses traits fin et gris, Poucky une Ratonga comme lui, Zephyro le Troll, Dockiller un Kerras et Sangsue une autre Elfe Noire …
L’Iksar fit enfin ses au revoir et pris la route pour descendre vers le port. A peine avait il fait quelques pas que l’Elfe noir se retourna vers lui. Une voix douce, étrangement douce et sucrée qui contrastait avec ses yeux ou brillaient une cruauté et un sadisme accompli.
< Et bien le rat ! en as-tu assez ou t’en faut il encore ?
< Mille pardon Grande Dame je ne vous comprend pas ? > bredouilla-t-il tout en tendant un peu plus son obole plus dans un geste de protection que de véritable mendicité
< Je t’ai demandé … > D’un geste sec elle envoya baladé la tasse de ferraille qui roula sur le sol dans un bruit metallique, laissant échapper les deux pièces de cuivres qui s’y trouvaient. < … si tu en avais assez entendu ? face de rat puant … >
Le vieux rat n’eut guère le loisir de s’exprimer sur le sujet plus avant. L’Elfe s’était approchée et d’un geste brusque avait saisit le Ratonga à la gorge, plantant ses ongles noirs et étonnamment pointus dans le cuir de sa peau racornie. Elle approcha son visage de sa gueule au point d’en faire frémir et retrousser ses moustaches.
< Je n’aime guère les oreilles qui traînent le mulot. Et tes moustaches tremblent plus qu’elles ne devraient à mon goût … Aurais-tu peur ?>
Il n’arrivait plus a parler, tout au plus un gargouillis informe sortait il de sa gorge et pourtant la peau de son cou en avait vu bien d’autre non ce n’était pas cela. Il essaya de se concentrer, hésitant à plonger la main vers la dague que cachait sa cape et puis la douleur arriva fulgurante. Sa gorge le brûlait, il avait l’impression qu’un forgeron fou lui enfournait des tisons rouge dans la bouche, la trachée, les poumons. Il ouvrit la bouche à nouveau pour happer une gorgée d’air mais ce ne furent que fumées acres de chairs brûlées qui en sortirent. La main de l’Elfe était entourée de flammêches ocres qui dansaient et sautillaient dans une sarabande infernale, sautaient sur son cou, couraient sur son museau et plongeaient dans ses naseaux et dans sa gueule pour raviver encore la douleur qui irradiait de sa gorge.
La vue du vieux Ratonga se noircit, ses yeux virèrent au gris puis au blanc, comme deux oeufs cuit de caille, encore mous, extrait de leur coquille, sa langue battit encore une fois entre ses dents puis il s’écroula sur le sol, le cou noircit, brûlé, des volutes de fumée grise et piquante, sentant le sang chaud et la chair brûlée s’échappant de sa gueule.
L’Elfe noire le laissa choir au sol comme un vieux paquet de linge. Elle pencha la tête sur le côté pour regarder encore le vieux rat, se repaissant du spectacle comme un chat admire la souris d’un oeil gourmand avant de la dévorer. Un mince sourire de contentement, de plaisir contenu s’afficha sur son visage et, ses yeux pétillants d’une joie sublime elle fit demi tour et repartit à son tour vers les quai.
Les Artisans du Chaos … Si elle n’était artisan elle serait artiste. Artiste de la mort et de la douleur. Elle avait soif à présent, soif de sang, de cris et de supplications … Elle devait nourrir cet appétit.
...
Poisson d'avril !