La Soleil d'une fin d'été perpétuelle envoyait, en cette matinée, sa douce lumière dorée sur les collines verdoyantes de la Lothlórien. Penchée dans les hautes herbes, une elleth était agenouillée, occupée à cueillir un énorme bouquet de fleurs dans ses petites mains blanches. Sa tunique légère, entourant sa taille fine, lui arrivait jusqu'au genoux. Elle se releva pour rassembler rapidement en une tresse sa chevelure d'une main experte. Elle était petite et menue pour sa race mais on ne pouvait lui deviner avec certitude son âge en l'examinant. Tournant ses yeux verts en direction du sud elle observa en contrebas les discrets mouvements de la faune dans la forêt de Lórien. Elle souriait légèrement en observant les petites silhouettes vaquant, comme elle, à leurs occupations sous les frondaisons, mais on pouvait lire dans son regard une lueur de détermination que ne laissait pas supposer sa frêle apparence.
Soudain, un grondement sourd venu du nord-est, derrière la colline, la sortit de ses pensées. Curieuse elle gravit rapidement les derniers mètres la séparant du sommet afin de connaître la source de cet étrange bruit. Elle vit alors, fonçant bride abattue à travers la plaine, un destrier terre de sienne portant un cavalier vêtu de noir. Elle l'observa quelques instants déconcertée par ce spectacle inhabituel jusqu'à ce qu'elle se rende compte que le cavalier l'avait aperçu et détournait sa monture droit sur elle. La jeune elfe fit alors volte-face et se mit à courir en direction du bois, mais sa tunique l'empêtrait quelque peu et elle trébucha sur la pente. Jetant un regard inquiet en direction du sommet, elle vit surgir effarée le cavalier fonçant dans sa direction. Tétanisée elle resta à genoux, persuadée de se retrouver piétinée à mort par le cheval. Au dernier moment celui-ci fit un écart et passa en trombe près d'elle soulevant un nuage de poussière la faisant tousser et éternuer. Or, la monture l'avait à peine dépassée qu'elle vit le cavalier chuter lourdement au sol et gésir sans mouvement, sans un son, îlot de noirceur parmi l'herbe haute. Le destrier continua quelques mètres sur sa lancée avant de se mettre à trotter puis passer au pas pour finalement s'arrêter, tremblant de tous ses membres après l'effort, s'ébrouant et piaffant, son corps couvert de sueur s'évaporant en vapeurs visibles dans la fraîcheur matinale.
Se relevant enfin, l'elfe ne savait que faire, l'incident n'avait pas encore été perçu depuis la forêt mais bientôt ses habitants se rendraient compte de quelquechose en voyant approcher la monture étrangère, visiblement attirée par l'ombre douce des arbres et l'herbe fraiche de rosée. Respirant doucement et tentant de faire le moins de bruit possible, elle s'approcha du cavalier étendu aussi près qu'elle l'osa, mais n'apercevant aucun mouvement elle s'apprêta à rentrer précipitamment à Caras Galadhon, la capitale des elfes sylvains de la Lothlórien, lorsque soudain l'homme en noir, visiblement humain, la saisit faiblement par la cheville et murmura dans un souffle :
Aidez-moi!
Ces simples mots suffirent à retenir le cri que la jeune elfe s'apprêtait à pousser alors. Regardant à nouveau le corps gisant au sol, elle vit que peu à peu une mare de liquide vermeil s'étendait sous celui-ci, se mêlant à la terre brune et à l'herbe fraîche. Cet homme était blessé mortellement, comme le loup que son ada avait abattu d'une flèche au printemps dernier, et son cœur se serra à cette pensée.
- Je...Je cours quérir notre guérisseur, je reviens au plus vite! Tenez bon Messire! S'entendit-elle répondre.
- Non! Attendez! Souffla-t-il.
Bougeant son bras droit avec effort, le cavalier agonisant saisit un parchemin à sa ceinture et le fourra dans les petites mains de l'elfe.
Portez ceci à Dame Galadrielle et au Seigneur Celeborn immédiatement, ange de vie, ce message est... de la plus haute importance! Notre Royaume...le Monde Libre... est en grand danger! Dit-il à bout de force.
Pétrifiée par ces paroles, ne sachant s'il fallait chercher tout d'abord de l'aide pour l'homme étendu ou écouter en premier sa demande, la jeune elfe ne bougea pas durant quelques secondes.
Va elleth! Il n'est plus temps! Pressa l'homme en essayant pitoyablement de la pousser en direction de la forêt.
La jeune fille, suivant l'impulsion dérisoire, se mit à courir vers Caras Galadhon, traversant en courant l'orée du bois sous le regard étonné des elfes sylvains ne s'étant, jusqu'alors, pas rendu compte de l'événement. La détermination se lisait sur son visage à son arrivée à la capitale elfique. Elle avança vers le plus grand mallorn où se trouvait le talan de la résidence de Celeborn et Galadriel, Seigneur et Dame de Lothlórien.
Une fois à son sommet, deux gardes elfiques voyant son air effrayé l'arrêtèrent doucement :
- Elleth, il ne vous est pas possible d'entrer. Dame Galadrielle et le Seigneur Celeborn s'entretiennent d'affaires importantes.
- J'ai également un message de la plus haute importance à remettre immédiatement, répondit l'elfe en brandissant le parchemin serré dans sa main rougie de sang.
Les gardes se dévisagèrent puis décidèrent d'escorter la jeune fille dans la salle du conseil elfique. Les deux seigneurs elfes levèrent la tête mais ne prononcèrent un mot à cette entrée inattendue. Soudainement intimidée, l'elleth se prit à hésiter mais voyant le regard bienveillant de la majestueuse Dame elfique, elle prit une profonde inspiration et s'avança, les yeux baignés de larme, le poing serré sur le vélin froissé et sanglant.
- J'ai ceci pour vous ma Dame, commenca la jeune elfe.
- Il y a là... dehors un homme en train de... mourir, il m'a donné ce... ceci en disant que c'était très imp... important... et je me suis jurée d'obéir à sa requête! Alors écoutez-moi...et lisez ceci, je vous en prie ! Sanglota-t-elle, les larmes roulant de ses yeux et collant sur ses joues les mèches détachées de sa tresse.
Dame Galadrielle leva sa main droite en signe d'apaisement pour calmer les sanglots de la jeune Elfe bouleversée et dit d'un air doux:
Remettez-moi ce parchemin, je vais lire ce message ne vous en faites pas mon enfant.
L'elleth obtempéra, ses yeux émeraude indiquant son soulagement et attendit que la noble Dame ait terminé de le parcourir. Au fur et à mesure de sa lecture, l'expression de Galadrielle changea, passant tour à tour de la peine à la froide détermination, puis elle releva la tête et parla en ces termes :
Voilà de biens sombres nouvelles apportées par nos alliés Rôdeurs. Le peuple des Hommes, sur qui repose l'avenir de ce monde, se fait lentement corrompre par les Ombres de l'Est. Déjà le Mordor s'est éveillé et étend son influence par delà le Rohan et le Gondor et ce sont tous les Peuples Libres qui sont menacés. Malgré tout, grâce à cette missive nous pouvons prendre les mesures qui s'imposent et lutter contre ce Mal.
Puis tournant un regard radouci envers l'enfant :
Petite elleth, tu n'imagines pas l'importance du message que tu nous as apporté, si nous repoussons nos ennemis ce sera grâce à ta célérité et ta détermination. Nous te remercions par avance.
Ce... ce n'est rien Dame! Je ne... connaissais pas la teneur de ce pli. Mais il y a tout près de l'orée du bois un... un cavalier mourant ma Dame! Il faut aller le soigner, je vous... je vous en prie! Parvint-elle à balbutier confusément.
Oui mon enfant. Gardes! Dit-elle aux deux elfes restés à l'entrée de la salle. Amenez cette elleth auprès d'Haldir, qu'elle le guide jusqu'au messager blessé! Ordonna-t'elle.
Ils escortèrent la jeune fille avec célérité, et bientôt celle-ci guidait le guetteur auprès de l'homme en noir toujours étendu sur le versant de la colline. Celui-ci respirait toujours, bien que faiblement, lorsqu'ils arrivèrent et il ouvrit à demi les yeux. Discernant l'elfe, il souffla, au prix d'un gigantesque effort :
Alors... tu as... réussi ange de vie? Dame... Galadrielle est avertie?
Oui! Oui Messire! Et elle tient à vous remercier d'avoir pu porter ces nouvelles. Mais Seigneur Haldir est là pour vous soigner, nous allons vous sauver! Dit-elle à travers ses larmes, tenant la main du messager, agenouillée au milieu de la mare de sang répandu.
Alors... tout ira bien. Puisse la Lumière... Soudain il se tut, son visage se tordit légèrement dans un dernier spasme d'agonie puis se détendit en une expression paisible. Il n'était plus.
Messire? Messire! Ne mourez pas! Cria-t-elle. Seigneur Haldir! Guérissez le je vous en prie! Ne pouvez vous rien faire?
Elle s'effondra alors, le corps secoué de sanglots, contre la tunique de cuir du guetteur agenouillé près d'elle, lui tapotant doucement l'épaule pour la réconforter :
Hélas ma jeune elleth. Même les pouvoirs que la Lumière des Valar m'a apportés ont leurs limites. Cet homme avait une blessure empoisonnée. C'est un miracle qu'il ait réussi à venir porter ce message jusqu'ici en restant en vie. C'est sa volonté aidée par l'espoir qui l'a maintenu vivant. Une heure avant j'aurai peut-être pu le sauver, mais le sort en a décidé autrement, puisse son âme trouver la paix. Répondit d'un ton doux le guetteur.
Il était seul, il avait besoin d'aide! Dit la jeune elfe relevant la tête, le visage baigné de larmes mais montrant une nouvelle expression de détermination.
Si seulement je savais comment défendre et protéger autrui, ce genre de mort cruelle n'aurait peut-être plus lieu!
Comment te nommes-tu mon enfant? Lui demanda le guetteur à brûle-pourpoint.
Machinalement l'elfe répondit, perdue dans ses pensées :
- Alvirulan, Seigneur Haldir, mais tous les gens qui me connaissent m'appellent Alvi.
- Et bien Alvirulan, veux-tu que nous nous recueillons ensemble pour le repos de cet homme courageux?
- Oui Seigneur Haldir bien sur...
- Plus tard je t'apprendrai le maniement des lames, comment se servir efficacement d'un bouclier et déséquilibrer un ennemi afin d'exposer ses points faibles. Ainsi tu sauras défendre tes alliés et vaincre tes ennemis...en tant que Gardienne.
Se redressant alors, Alvirulan murmura d'un ton déterminé autant pour elle que pour le corps étendu :
- Je jure sur la Lumière des Valar que j'apprendrai à sauver des vies innocentes en suivant vos enseignements. Je vivrai pour la défense des autres et la destruction du mal. Cette voie me guidera désormais...
Une brise soudaine emporta son vœu pieux. La scène était bien étrange en cette fin de matinée estivale : un homme en noir étendu comme endormi au sol, son sang rouge formant un contraste frappant avec l'herbe verte, un elfe debout vêtu d'une tunique verte presque indiscernable la tête levée, les yeux clos comme en recueillement, et une jeune elfe levant une main fermée et sanglante vers le ciel, sa silhouette mince se remarquant à peine sur la colline mais dégageant une étrange aura...Sa Vocation serait. La suite, et bien, elle viendra en son temps...
Lexique:
elleth : jeune fille elfe
ada : père
mallorn : grand arbre à écorce et feuilles argentées
talan : plateforme elfique arboricole
Poisson d'avril !